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Le Jura doit apprendre à voir plus loin que le bout de ses clochers

LE TEMPS / JURA. Au-delà des élections cantonales de ce week-end, le canton a une série de défis à relever.

ANALYSE

Plus encore qu'en 1979, lorsqu'il est devenu autonome, le Jura est face à son destin. L'enthousiasme a fait place au marasme; le courage et l'audace au fatalisme. Le retrait de trois des cinq ministres, le PS Claude Hêche et les PDC Gérald Schaller et Jean-François Roth (surtout lui), ajoute à la morosité. Les candidats à l'élection du 22 octobre se sont disputés sur l'état actuel du canton, ont parlé d'économies budgétaires, de fiscalité et de pléthore administrative. Mais ils ont peu évoqué leur vision du Jura dans deux décennies. Les défis ne manquent pourtant pas.

DÉCLOISONNER LES MENTALITÉS

Le syndrome de Peter Pan. La formule est de Jean-François Roth. Les Jurassiens refusent de grandir, de réformer, de s'ouvrir. Le regard dans le rétroviseur, idéalisant l'époque des pères de la patrie, ils entretiennent une attitude ambivalente d'amour-haine de leur petit pays, tantôt chéri à l'excès, tantôt décrié avec dégoût.

Le Jurassien n'est plus le rebelle progressiste, il s'est recroquevillé dans son pré carré. Déprimé quand on lui prédit le déclin, au point de jalouser son voisin et épuiser l'énergie qui lui reste à s'écharper à l'interne. District contre district, gauche contre droite, gauche chrétienne-sociale contre gauche dogmatique socialiste, communes contre canton.

Un travail d'introspection doit se faire, pour déterminer les défis. Partis, parlement, cénacles en tout genre doivent y réfléchir. Aux nouvelles autorités de susciter le débat, sur la base d'un constat scientifiquement établi, qui dit ce que deviendra le canton s'il n'entreprend rien.

RÉFORMER LES STRUCTURES

Petit canton de moins de 70000 habitants (démographie stagnante), le Jura est morcelé en trois districts, 83 communes, 60 députés et 28 suppléants, une administration de 800 postes subdivisée en plus de 50 services. Des structures surannées et inefficaces. Parallèlement aux fusions de services administratifs à intensifier, le parlement doit se réinventer avec 40 ou 50 députés, oublier le superficiel des questions orales pour engager des débats de fond. Le parlement doit être désigné dans un unique cercle électoral. Pour extirper l'élu de la défense étriquée de sa microrégion.

Les fusions de communes doivent s'accélérer. Inciter ne suffit plus. L'Etat doit exercer une pression politique et financière. Et pas seulement pour marier deux villages voisins: un Jura à moins de 20 communes de taille moyenne supérieure à 2000 habitants se portera mieux.

UN GRAND PROJET, VITE!

Le programme «Pays ouvert», torpillé par les chicaneries politiciennes et personnelles, refusé en votation en mai 2004, avait l'avantage d'avoir un objectif et une vision. Le Jura donnait l'impression de se prendre en main. Un autre projet de société est indispensable. Le programme de législature ne suffira pas.

Plutôt que se morfondre, le Jura doit donner envie. A ses concitoyens, à ses jeunes qui s'exilent, aux citadins voisins. Le Jura offre de grands espaces à la porte des villes, une qualité de vie, des loyers et terrains bon marché, de la convivialité associative et culturelle. Il doit se vendre. Comment expliquer qu'il ait fait un «coup fiscal», en baissant l'impôt sur la fortune et les prestations en capital, au point d'être un des plus attractifs de Suisse, sans que ça se sache!

BIOTECHNOLOGIES ET BIEN-ÊTRE

Nécessaires dans les institutions, les réformes sont vitales dans l'économie et l'industrie. La modernisation doit conduire les entreprises à utiliser leur savoir-faire horloger et micromécanique pour devenir des partenaires des biotechnologies bâloises. Le programme de Jean-François Roth va dans la bonne direction. Le Jura doit décupler les moyens de sa promotion économique.

Magnifique pays vert et préservé, le Jura oublie d'en tirer parti économiquement. Plutôt que de défendre des hôpitaux de campagne généralistes voués à la disparition, il doit les transformer en centre de soins spécifiques et de bien-être. Associer tourisme et soins de confort.

BÂLE, BERNE, MONTBÉLIARD

Omniprésente dans les discours, l'ouverture du Jura à ses voisins doit être concrétisée. Elle s'amorce avec Bâle, mais reste timide. Le canton a tout intérêt à édicter un catalogue de la coopération, sélectif, pour cibler l'essentiel, dans les domaines hospitalier, universitaire, culturel, touristique. Le Jura doit accepter de partager son pouvoir cantonal.

DES LEADERS COURAGEUX

L'actuelle campagne électorale met en évidence l'exil des cerveaux et l'incapacité des candidats au Conseil d'Etat à dire comment ils veulent façonner leur pays. Y a-t-il un successeur à Jean-François Roth?

Le Jura a besoin de ministres qui décident, regardent loin, osent. Le canton a-t-il une relève? Elle existe, mais elle peine à éclore. Au larmoiement ambiant, Le Temps préfère profiler de jeunes Jurassiens, établis au pays, qui sont l'élite de demain.

«Il faut faire bouger ce pays qui ronronne».

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Yannick Guerdat 25 ans

Fondateur d'une entreprise internet haut de gamme

Yannick Guerdat est le fils et le frère de cavaliers émérites: son père a participé aux Jeux olympiques de Los Angeles et de Séoul, son frère à ceux d'Athènes. Lui fait un autre pari: l'e-business. Employé de commerce fraîchement diplômé, il saute dans ce qui était alors la bulle internet et part à Zurich. Il s'y fait gruger et revient en 2001 dans le Jura.

C'est là, à Delémont, qu'il lance «l'idée folle de monter ma boîte». Cinq ans après son baptême, sa société Artionet compte 15 collaborateurs dont sept ingénieurs informaticiens, recrutés à l'extérieur du Jura. Yannick Guerdat a vendu son concept de sites internet haut de gamme à un millier de clients, dont de prestigieux: le WEF, Bertrand Piccard, la TSR ou l'Université de Genève.

Souvent en déplacement, mais affirmant qu'il n'est pas nécessaire d'être en milieu urbain pour développer une société dans la sphère d'Internet, Yannick Guerdat est un chef d'entreprise hyperactif, qui s'est fait un nom à partir du Jura qu'il chérit. Trop content de payer de bas loyers à Delémont, il n'envisage pas de délocaliser sa petite entreprise, même s'il imagine ouvrir une succursale dans l'Arc lémanique.

Yannick Guerdat ne mâche pas ses remontrances envers un Jura «qui n'offre pas assez de moyens aux entreprises qui veulent s'implanter». Et fustige l'immobilisme et le conservatisme. «Refuser «Pays ouvert» a été un scandale», dénonce-t-il. Yannick Guerdat salue les efforts du développement économique, mais craint qu'ils ne soient illusoires: «On veut se rapprocher de Bâle, mais fait-on suffisamment d'efforts pour parler la langue de nos voisins?»

Pas découragé, Yannick Guerdat croit en l'avenir du Jura. «A 30 ans, je ferai de la politique. Pour faire bouger un pays qui ronronne.»

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